Gabon : liesse populaire après l’investiture du président de la transition
Les Gabonais ont célébré lundi dans la liesse l’investiture du nouveau président de la transition, le général Brice Oligui Nguema, à Libreville, leur capitale. Ils espérent que son arrivée et la transition qu’il a annoncé signent la fin de « l’asphyxie ».
Une foule de milliers de personnes s’était formée depuis les premières heures du jour sur l’esplanade de la mosquée Hassan II qui jouxte le palais présidentiel, afin d’assister à la cérémonie d’investiture du nouvel homme fort du Gabon qui a chassé du pouvoir Ali Bongo Ondimba, qui le détenait depuis 14 ans.
« Nous ressentons la liberté, la joie, le bonheur ! », s’enthousiasme Lucrèce Mengué, 28 ans, parmi les premières arrivées pour s’assurer une place de choix « au premier rang de l’histoire qui s’écrit », dit-elle.
Avec elle, des milliers de personnes ont suivi dans l’euphorie la cérémonie sur des écrans géants, agitant des centaines de petits drapeaux tricolores : vert, jaune, et bleu, les couleurs du Gabon.
Titulaire d’un BTS en logistique et en recherche d’emploi, la jeune femme décrit la « chape de plomb » qui pesait jusque-là sur la jeunesse du Gabon et qu’elle espère voir levée avec la fin de la « dynastie Bongo » qui aura duré 55 ans.
Ali Bongo, placé en résidence surveillée par les militaires depuis le putsch, avait été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait depuis plus de 41 ans ce pays très riche de son pétrole et pilier de la « Françafrique ».
Ravi de présenter l’ensemble musical de fanfare des forces de défense et de sécurité, Ghislain Bouemba, capitaine de police de 50 ans décrit lui aussi un « moment historique ».
« Nous étions asphyxiés. Je pense aux personnes qui ont été avant nous dans les armées, ceux qui n’ont pas eu la chance de vivre ça », clame le fonctionnaire.
« On est jeune, on fait de bonnes études, mais sans pouvoir trouver de travail », regrette Anouchka Minang, sage-femme de 31 ans, au chômage depuis cinq ans, et qui enchaine les petits boulots pour s’en sortir.
Elle se dit reconnaissante que le général Oligui ait « jeté un regard vers les parents, et les retraités », après sa promesse de privatiser les caisses de retraite et d’assurance-maladie afin de mettre un terme au cauchemar de ceux qui ne touchent pas leurs pensions en raison d’une gestion catastrophique.
Une situation dénoncée depuis des années par la société civile.
Pour Rémi Gaspard Ngoua, qui quitte les festivités d’un pas tranquille, cette mesure a été un « soulagement ». Ce retraité de la fonction publique devrait bénéficier d’une pension mensuelle de 300.000 francs CFA (456 euros), mais n’en touche pour l’instant que la moitié, soit une somme « dérisoire » six fois inférieure à son salaire en fin de carrière.
Pourtant, « c’est quand on prend la retraite que les maladies arrivent, alors si vous touchez moins que ce qui était prévu… », souffle l’homme de 66 ans.
Les broncas assourdissantes ponctuant chaque apparition sur les écrans d’anciens caciques du Parti démocratique gabonais (PDG) de M. Bongo, laissent présager des défis à relever pendant la transition, de nombreuses personnes affichant sans réserve leurs doutes en raison de la présence d’anciens proches du pouvoir.
Dans le collimateur : l’ancien premier ministre Alain-Claude-Bilie-By-Nze, mais surtout Rose Christiane Ossouka Raponda, ex vice-présidente d’Ali Bongo.
A chaque apparition, celle qui plastronnait pendant la campagne en garantissant la victoire par « K.O » de son champion dans des vidéos parfois virales sur les réseaux sociaux, était systématiquement huée, accueillie aux cris de « Ossouka en prison », sous le regard placide des membres des forces de sécurité.
Une scène inimaginable il y a une semaine.
« Pour le moment on n’a pas besoin d’union, ce sont des détourneurs de fond, il faut que justice soit rendue et faire table rase », s’emporte Joseph Akoughé, un commercial de 51 ans.
« Ce sont eux qui nous ont causé du tort, ils ont fait semblant de dire que c’est la démocratie, or c’était une dictature dont il se partageaient le gâteau. Ça s’arrête là », assène M. Ngoua.
« On ne veut vraiment plus d’eux. Nous avons des gens valeureux pour relever ce pays qui sont encore propre », conclut-il.