En Guinée-Bissau, le président Embalo dissout le Parlement après la « tentative de coup d’État »

En Guinée-Bissau, le président Embalo dissout le Parlement après la « tentative de coup d’État »

Trois jours après les affrontements armés qui ont secoué la Guinée-Bissau, le président Umaro Sissoco Embalo a annoncé lundi la dissolution du Parlement dominé par l’opposition, sans préciser le calendrier des futures élections législatives.

Le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo a décidé de dissoudre, lundi 4 décembre, le Parlement dominé par l’opposition. Une annonce qui intervient trois jours après des affrontements armés que le dirigeant qualifie de « tentative de coup d’État ».

« La date des prochaines élections législatives sera fixée le moment opportun, conformément aux dispositions (…) de la Constitution », dit un décret présidentiel communiqué à la presse.

Le président Embalo invoque la « complicité » entre la Garde nationale, le corps impliqué dans les affrontements avec la Garde présidentielle jeudi soir et vendredi, et « certains intérêts politiques au sein même de l’appareil d’État ». « Après cette tentative de coup d’État menée par la Garde nationale et devant les preuves fortes de l’existence de complicités politiques, le fonctionnement normal des institutions de la République est devenu impossible. Ces faits confirment l’existence d’une grave crise politique », dit-il.

Fractures politiques profondes au cœur de l’État

La Guinée-Bissau évolue dans une instabilité politique chronique et a connu depuis son indépendance du Portugal en 1974 une kyrielle de coups de force, le dernier en février 2022.

Des éléments de la Garde nationale ont fait irruption jeudi soir dans les locaux de la police judiciaire pour en extraire le ministre de l’Économie et des Finances, Souleiman Seidi, et le secrétaire d’État au Trésor public, Antonio Monteiro, qui y étaient interrogés. Puis ils se sont mis à l’abri dans un camp militaire de la capitale Bissau, et ont résisté jusqu’à vendredi matin par les armes.

Les affrontements, qui ont fait au moins deux morts, illustrent une nouvelle fois les fractures politiques profondes au cœur de l’État entre la présidence et le gouvernement, et qui traversent aussi les forces de sécurité.

La Garde nationale relève essentiellement du ministère de l’Intérieur, donc du gouvernement, lui-même émanation du Parlement dominé par l’opposition. Le parquet, qui a ordonné l’interpellation des deux membres du gouvernement, répond à la présidence.

Les législatives de juin 2023 ont donné la majorité absolue à une coalition constituée autour de l’historique Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), vieil adversaire du président. Umaro Sissoco Embalo, qui dirige le pays depuis 2020, s’est retrouvé condamné à la cohabitation avec le gouvernement.

« Passivité » du gouvernement

Dans son décret, le président dénonce la « passivité du gouvernement » face aux événements. Il assure que le but de la Garde nationale, en cherchant à libérer les deux membres du gouvernement, était d’entraver les investigations diligentées par le parquet.

Les deux membres du gouvernement avaient été placés en garde à vue jeudi et interrogés à propos d’un retrait de dix millions de dollars des caisses de l’État. L’affaire avait été abordée auparavant au Parlement.

Le président Embalo accuse le Parlement d’avoir « préféré défendre des membres de l’exécutif soupçonnés d’actes de corruption portant gravement atteinte aux intérêts supérieurs de l’État » plutôt que de « lutter pour l’application rigoureuse de la loi (…) et d’exercer son rôle de contrôle des actes du gouvernement ». Umaro Sissoco Embalo avait prévenu samedi que les troubles auraient de « lourdes conséquences ».

La Rédaction